Moins il y a de médias, moins les journalistes canadiens ont de choix en termes d’emploi à temps plein, à temps partiel et à la pige. Dwayne Winseck, directeur du CMCRP et professeur de journalisme à l’Université Carleton, a déclaré que le contenu produit par les journalistes est sous-évalué car la consolidation par acquisition endette les entreprises de médias.
Par Paul Fontaine
La diversité de la propriété des médias est littéralement inexistante au Canada, selon un récent article du Canadian Media Concentration Research Project (CMCRP).
Moins il y a de médias, moins les journalistes canadiens ont de choix en termes d’emploi à temps plein, à temps partiel et à la pige. Dwayne Winseck, directeur du CMCRP et professeur de journalisme à l’Université Carleton, a déclaré que le contenu produit par les journalistes est sous-évalué car la consolidation par acquisition endette les entreprises de médias.
« Les entreprises qui n’étaient pas endettées sont maintenant endettées et elles sont déchirées entre payer leurs journalistes et payer les banquiers », a déclaré Winseck. « Certaines des entités les plus à effet de levier de l’économie sont les sociétés de médias, ce qui signifie que les ressources sont acheminées dans les poches du banquier. La production des choses — et ici nous parlons de la production de la culture, des nouvelles, des connaissances, de la perspicacité, du divertissement, du plaisir — est sacrifiée et je pense que c’est un énorme problème. »
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Pour ce qui est de savoir qui a le contrôle du paysage médiatique de langue anglaise au Canada, les deux plus grandes entreprises, Bell et Rogers, représentent 43 % de tous les revenus. Ajoutez Shaw et Telus, et ces quatre grands groupes représentent 70 % du paysage médiatique. Toutes ces entreprises, à l’exception de Telus, sont intégrées verticalement en ce sens qu’elles produisent et distribuent du contenu sur une gamme de médias. Au Québec, Bell est le plus grand acteur, avec une part encore plus importante du tiers du paysage médiatique francophone.
Le niveau élevé de concentration est le plus frappant dans la propriété de la télévision au Canada. Bell et Shaw détiennent ce qui pourrait être considéré comme un duopole sur le marché de la télévision au pays, suivis de Rogers et de CBC, puis d’un certain nombre de petits radiodiffuseurs, dont APTN, Blue Ant, CHEK TV, Pelmorex et Fairchild. Les organismes de réglementation des médias canadiens, y compris le Bureau de la concurrence et le Conseil des télécommunications de la Radio-télévision du Canada (CRTC), n’ont pas fait grand-chose pour endiguer la vague de consolidation, comme l’indiquent les conclusions du CMCRP : » En somme, la vague de consolidation bénie par le Bureau de la concurrence et le CRTC est un témoignage de la diversité niée. Les Canadiens et l’évolution future de l’écologie des médias en réseau dans ce pays travailleront dans ces conditions pendant des années, probablement des décennies, à venir (étude du CMCRP). »
La concentration de la propriété des médias a suscité des critiques de la part du public canadien au cours des 10 dernières années en raison de préoccupations selon lesquelles » la concentration des médias compromet la contribution potentielle des médias à la vie publique » (Winseck, 2008: 35). Dans un document de 2012, Winseck a soutenu que Bell et d’autres conglomérats verticalement intégrés ont [traduction] » freiné l’émergence de nouveaux services qu’ils perçoivent comme une menace pour leurs intérêts » (Winseck, 2012:28).
Tout en attirant l’attention sur le degré élevé de concentration de la propriété des médias, l’étude du CMCRP note également que la croissance rapide du sans‐fil mobile, de l’accès à Internet et du câble, du satellite et de la télévision sur IP (où les services de télévision sont fournis via Internet) » mène à une écologie des médias de plus en plus centrée sur Internet et le sans‐fil mobile » (étude du CMCRP). Ces tendances se vérifient également dans les régions francophones du Canada.
L’étude mentionne également que les revenus des journaux et des magazines ont atteint un sommet en 2008 et sont passés depuis de 4,9 milliards de dollars à 4,3 milliards de dollars l’an dernier. En ce qui concerne les revenus des journaux, alors que seulement deux des 10 quotidiens de langue française – Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec de Québecor — ont mis en place des murs payants, 24 quotidiens de langue anglaise représentant les deux tiers de la diffusion quotidienne moyenne sont maintenant derrière les murs payants.
Le rôle de la SRC dans le marché des médias canadiens diminue, car le radiodiffuseur public du pays a vu sa part du marché des revenus télévisuels réduite de moitié depuis 2000 (de 30 % à 15 %). L’étude déclare: » Aujourd’hui, Bell et Shaw sont là où se situait la SRC il y a une douzaine d’années, avec des revenus et des parts de marché presque le double de ceux de la SRC » (étude du CMCRP).
Alors que la télévision canadienne se caractérise par quelques acteurs qui dominent le marché, dans l’industrie des journaux, » à mesure que les grands joueurs trébuchent, ils perdent des parts de marché et, dans certains cas, se séparent, avec des désinvestissements importants menant à l’émergence d’un deuxième niveau plus fort d’éditeurs de journaux quotidiens » (étude du CMCRP). Les grands joueurs sont Torstar, Postmedia, Québecor et le Globe and Mail, tandis que les éditeurs de deuxième rang sont Transcontinental, Glacier et Black Press.
Pour en savoir plus sur le projet de recherche, rendez-vous sur www.cmcrp.org .
Winseck, D. (2012). Évaluer les effets de l’acquisition de Bell–Astral sur la propriété et la concentration des médias au Canada. Préparé au nom du Centre pour la défense de l’intérêt public, de l’Association des consommateurs du Canada, du Canada sans Pauvreté et du Council of Senior Citizens’ Organizations of British Columbia pour les audiences du Conseil de la Radio-télévision et des télécommunications canadiennes sur le projet d’acquisition d’Astral Media Inc. par Bell Canada : 1-36.
Winseck, D. (2008). L’État de la Propriété des Médias et des Marchés des Médias: Concurrence ou Concentration et Pourquoi Devrions-Nous Nous en soucier?, Boussole de sociologie 2/1:34-47.
Paul Fontaine est étudiant au doctorat en communication à l’Université McGill à Montréal.
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Tamara Baluja est une journaliste primée de CBC Vancouver et lauréate de la bourse Michener-Deacon 2018 pour l’éducation en journalisme. Elle a été rédactrice en chef adjointe de J-Source de 2013 à 2014.